A mon père...
Je suis là, assise sur le bord de ton lit et je te regarde cherchant dans tes yeux une lueur, un signe. Mais ton regard se perd, je m'y noie sans comprendre ce qu'il exprime: est-ce que tu me reconnais encore, peut être veux tu me dire quelque chose? as tu peur?
Ta main droite tâtonne, elle cherche la mienne, la sert fort.
Tu es là encore mais tellement loin de toi déjà.
Sur la commode une photo où tu poses avec grand-mère, ta petite maman. Les larmes me montent aux yeux, encore,...tu étais comme cela...avant.
Avant la maladie, avant le cancer, avant cette tumeur grosse comme une clémentine qui te mange la moitié du cerveau et qui t'éloigne peu à peu de la vie et de nous. Avant ce glioblastome, terme barbare pour une maladie qui ne l'est pas moins.
le répit aura été bien court.
Je caresse cette main qui porte les stigmates de 70 année passées sur cette terre. Je regarde ton visage gonflé par la cortisone.
Je passe ma main dans tes cheveux pour redonner mouvement à quelques mèches rebelles comme une mère le ferai pour son enfant.
Mais ce n'est pas mon enfant dans ce lit médicalisé, ce n'est pas mon enfant qui ne peut plus ni bouger ni parler. C'est mon père.
Ce père qui m'a toujours aimé et était fier de moi. Le grand-père, soutien inconditionnel de ses deux petites filles chéries.
Je ne saurais dire si, en ce moment, l'atmosphère est lourde ou sereine, mais j'étouffe avec cette boule coincée au fond de ma gorge. ce doit être un peu comme la mort j'imagine avec sa lourdeur et sa délivrance en même temps.
Je voudrais lui dire sincèrement "Pars, va te reposer" mais même si mes pensées l'expriment, mon coeur crie " Non, reste là, j'ai tellement besoin de toi". Je suis egoïste et possessive, papa, je veux te garder près de moi, toujours. Ne t'en va pas s'il te plait!
Mais n'est il pas déjà parti?
Alors avant la douleur, avant l'inconscience, ferme les yeux, endors toi paisiblement.
Pars mon doux papa. Je sais que peu importe la distance ou le temps, tu resteras toujours là en moi. Je t'aime.